Référent secours routier de Soldats du Feu magazine, l’adjudant-chef Laurent Dupont est d’abord un acteur du secours et un formateur et concepteur de formations dédiées au secours routier au Sdis de Charente-Maritime. À l’occasion de la sortie du cahier technique qu’il publie sur le secours routier lourd, il répond à nos questions.
Le plateau de formation Secours routier du Sdis 17 offre des infrastructures capables de restituer des scénarios réalistes, que les pompiers rencontrent souvent.
Soldats du feu magazine Pourquoi publier un cahier spécifiquement dédié au secours routier autour des poids lourds et autres véhicules de transport en commun ?
Laurent Dupont Je suis parti du constat suivant : aucun ouvrage dédié à ce sujet n’existe actuellement en France, et ceux que nous pouvons trouver ne sont pas en français. Le risque serait de faire une traduction peu précise pour un sujet technique et les procédures étrangères, propres à chaque pays, ne sont pas toutes transposables en France. Par ailleurs, les informations que l’on trouve sur les réseaux, notamment les vidéos que de nombreux pompiers regardent, n’apportent pas les fondamentaux, les bonnes techniques, les astuces, les points forts et faibles de telle manœuvre, les justifications, ni les contraintes et les explications relatives à cette typologie d’accidents.
Je souhaitais donc, d’une part, donner une suite au premier guide technique, et d’autre part, coucher sur papier et continuer de partager tout le travail que nous réalisons dans notre école départementale. Bref, il fallait un guide spécifique : le voici !
Il importe d’apporter non seulement de la connaissance mais aussi des conseils pratiques et de l’expérience, ingrédients qu’en toute humilité nous pensons détenir. Quand je dis « nous », je parle d’un travail d’équipe avec des sapeurs-pompiers tout aussi passionnés autour de David Lezeau et de Julien Manesse avec qui j’ai parcouru la France et le monde pour des challenges ou des stages. Cette équipe a toujours été soutenue par le directeur du Sdis 17, le contrôleur général Pascal Leprince, dans la lignée de son prédécesseur, le contrôleur général Éric Peuch, qui nous ont laissé carte blanche et toujours fait confiance.
Ce guide a donc l’ambition de présenter et traiter le sujet du secours routier concernant les véhicules dits « lourds » ; en clair, tous ceux qui ne sont pas des véhicules de tourisme (ou véhicules légers), en se plaçant au plus proche de ce qui est rencontré sur le terrain par les pompiers au quotidien et de ce que nous enseignons lors de nos stages « SR lourd ».
Point qui a son importance : habituellement, quand on évoque un guide technique, on pense à « détail », à « précision »… Eh bien non ! Il serait trop difficile de réaliser une espèce de bible exhaustive sur le secours routier dit lourd tant il existe de véhicules différents. Ce guide risquerait d’être inexploitable et donc non utilisé. J’ai donc axé la rédaction sur les grands principes d’action et sur les fondamentaux de l’intervention (sécurité, etc.).
Stabiliser les véhicules accidentés, étape incontournable de l’approche des victimes et garantie de sécurité pour les intervenants.
SFm Comment en êtes-vous arrivé là ?
L.D. Disons que cela part du constat, fait il y a une quinzaine d’années à l’occasion de notre première participation au World Rescue Challenge au Pays de Galles, de notre faiblesse sur les techniques d’approche et les techniques de découpe de véhicule, bref sur le secours routier au sens large du terme. Avec d’autres camarades, nous avions alors découvert que l’état de notre savoir-faire professionnel était plutôt faible en comparaison avec les services d’incendie et de secours qui participaient à cette compétition internationale. Qu’il y avait un immense défi à relever pour atteindre un bon niveau de compétence et de connaissance de ses propres matériels d’intervention. Avec le recul et en si peu de temps, nous pouvons désormais constater qu’une partie du défi a été relevé : nous avons remis à niveau l’ensemble du personnel du Sdis en matière de technique, d’utilisation du matériel et de philosophie d’intervention ; plus d’une soixantaine de Sdis ont participé à nos actions de formation (stages de perfectionnement au secours routier).
S’arrêter en chemin n’est pas dans nos gènes. Nous avions gravi la première marche et nous souhaitions continuer en nous perfectionnant dans les techniques dites lourdes. Le processus a été identique : une projection dans des écoles européennes, du travail d’analyse, beaucoup de travail technique, des erreurs, de nouveau du travail et la construction d’un stage dédié aux véhicules lourds qui ne cesse d’évoluer chaque année grâce à notre montée en expérience et surtout grâce aux apprenants qui nous poussent à développer et améliorer notre formation.
L’aventure s’est poursuivie quand, en 2016, nous avons lancé le Challenge national sapeurs-pompiers, sous-entendu dédié au Suap et au secours routier, plus particulièrement aux techniques de désincarcération. C’est une grande fierté pour toute l’équipe du Sdis 17 d’avoir réussi à améliorer la qualité de la réponse de secours des pompiers français dans ce domaine.
Un vaste plateau pédagogique offrant de l’espace pour des mises en situation concrètes réalistes autour des poids lourds, des cars et des trains.
SFm Aujourd’hui, le secours routier, en général, c’est quoi pour vous ?
L.D. Il y a de plus en plus de véhicules de nouvelle génération. Les passagers sont de mieux en mieux protégés et nous intervenons de moins en moins sur des accidents, même si ceux-ci sont parfois spectaculaires. Par ailleurs, nous disposons d’une pléthore de moyens matériels dédiés au secours routier, mais il faut entretenir et renouveler voire compléter pour disposer des dernières technologies. Enfin, du personnel à former mais qui, statistiquement parlant, n’intervient pas plus de 30 minutes en trois ans.
Partant de ce constat, nous avons réorganisé tout le processus opérationnel en créant et multipliant les véhicules dits d’abordage et en redistribuant le matériel constitutif des véhicules de secours routier. Les missions du personnel du véhicule abordage sont d’assurer tout d’abord la protection collective et le balisage, d’assurer la protection incendie, ensuite de gérer les fluides, et enfin de stabiliser le véhicule accidenté.
Ce changement de mode de fonctionnement vise à apporter une meilleure réponse opérationnelle pour les victimes et les sapeurs-pompiers. Aujourd’hui, cette organisation constitue une réelle plus-value car elle recentre le travail des moyens de secours routier sur les techniques de désincarcération, puisque les actions de balisage, de protection et de stabilisation sont confiées aux primo-intervenants. Au final, le personnel est plus efficace, plus expérimenté et les victimes extraites plus rapidement.
Nous en avons déduit une refonte du processus formatif, organisé autour de trois niveaux, destinés à redynamiser chaque rôle opérationnel. Le premier niveau forme tout le personnel à l’abordage, les deux autres concernent le personnel d’un VSR : formation de l’équipier d’une part et du chef d’agrès d’autre part.
Le cahier technique Secours routier lourd, selon son auteur
« Tous les véhicules roulants ont leur jardin secret, et encore plus les véhicules lourds. Mais des secrets pas si bien gardés puisque, passionné et curieux, j’ai réussi à les percer. Effectivement, c’est différent, c’est lourd, c’est instable, c’est à découvrir dans cet ouvrage où je brosse le travail que nous réalisons depuis plus de dix ans sur les poids lourds, les transports en commun, les utilitaires, les trains et les tramways. De la technique, du concret, du vécu, il suffit de tourner les pages, de partager pour que, tous, nous progressions afin d’apporter une meilleure réponse aux victimes d’accident de la route. »
NDLR : … ouvrage dont on peut désormais affirmer, sans orgueil démesuré ni fausse modestie, qu’il compte parmi les ouvrages de référence de la profession dans ce domaine de spécialité.
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